Lundi 1er février, Françoise a quitté la terre. Pascal a lu un témoignage. Le voilà.

Publié le par coloquinte

Marion m’a dit : « Coloquinte c’était très important pour Françoise. Ça a vraiment été une lumière dans sa vie ces dernières années. Est-ce que tu serais d’accord pour en dire quelques mots ? »… J’étais touché par cette attention. Je me suis entendu dire Oui…

Maintenant que je m’y essaie, je vois bien que j’ai du mal à réduire mon témoignage à une liste de faits ou d’anecdotes. Il serait si doux pourtant d’évoquer le passé pour, comme dit le poète, se réchauffer à son souvenir… mais pas tout de suite…

Pas tout de suite parce qu’à cet instant, tout au fond de nous, de chacun d’entre nous, la peine fait son œuvre. Elle nous contraint à aller au-delà du « comment » pour nous demander POURQUOI ? Elle nous pose LA question du sens de notre Vie. Dans quelques heures, quelques minutes peut-être, ce que nous appelons les nécessités de la vie nous auront à nouveau submergés. Peut-être pouvons-nous nous accorder quelques secondes pour goûter à autre chose…

Lorsque Françoise a débarqué à la chorale Coloquinte, en 2017, elle avait de longues années de pratique de la voix. A ses yeux, nous manquions clairement de rigueur professionnelle et elle avait un peu de mal à contenir, disons… son agacement ! J’ai des images assez vivaces de ses yeux, hésitant parfois entre l’effarement et… la consternation…

Quelques semaines plus tard lors d’un stage sur « l’écoute des harmoniques dans le chant choral », elle s’est trouvée confrontée à une expérience qui la mettait en difficulté précisément là où elle se sentait forte. Émotionnellement, quelque chose a dû être profondément touchée en elle, parce que beaucoup l’ont perçue et s’en souviennent.

Elle a vite saisi que Coloquinte, c’était plus que des gens qui chantent ensemble. C’est aussi une façon d’être ensemble dans laquelle elle s’est vite retrouvée et à laquelle elle a beaucoup donné. Elle est devenue l’un des piliers du pupitre « ténor », rebaptisé depuis « ténors et ténoresses »

Elle a rejoint aussi le groupe des conteurs et des conteuses de Coloquinte, et lorsqu’elle est entrée au Conseil d’administration, c’était évidemment avec l’idée de rendre service.

J’ai eu la chance de participer aussi aux activités du groupe théâtre. Elle nous a fait travailler des saynètes dont les situations étaient suffisamment drôles et les textes suffisamment solides pour faire oublier nos faiblesses de débutants. Quel que soit notre âge – et la moyenne était plutôt élevée – elle voyait en nous des apprentis comédiens qu’elle encourageait sans impatience et sans colère.

Le COVID a hélas mis fin à nos répétitions. J’ai encore en tête son coup de fil à l’automne. Elle souffrait de plus en plus, et elle venait me dire son regret… de ne plus pouvoir s’occuper de nous !

Nous avions en commun, elle et moi, un répertoire de chansons passées de mode qu’on claironnait à tout propos, et hors de propos, au grand dam des jeunes de 50 ans et moins ! Elle prenait tout au premier degré, et il était convenu que je devais accompagner mon humour potache d’un geste figurant le déploiement d’une banderole « ceci est une blague ! »… On a aussi goûté sa tourte bourguignonne et son couscous pour 6 personnes dimensionné pour 20. On a dit des poèmes, on s’est fendu la poire, on a bu du rhum, bref… on a partagé ! Comment imaginer tant de vitalité dans un corps aussi fatigué ? Car si nous savions plus ou moins, qu’elle avait eu de gros pépins de santé et que la polyarthrite la faisait beaucoup souffrir... jusqu’à ces derniers mois, elle avait eu la force, et l’élégance, de n’en rien laisser paraître.

L’expression qui me traverse l’esprit aujourd’hui vous semblera peut-être déplacée… mais je vous la donne comme elle vient : avec le recul, je me dis que la Françoise que j’ai connue était « une grande professionnelle » qui donnait tout pour son métier.

Son métier de femme de spectacle, bien sûr, mais aussi son métier d’être humain : de mère, de grand-mère, de citoyenne… et d’amie.

 

Pascal Prougeansky

Lundi 1er février, Françoise a quitté la terre. Pascal a lu un témoignage. Le voilà.

Françoise le 3 juillet 2020

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